Thursday, July 8, 2010

Société Civile et fondation économique

Société Civile et fondation économique

Demandez au citoyen de ce qu’il pense de son pays ces jours-ci. Il ne cessera de commenter les thèmes récurrents que sont la crise financière, le réchauffement de la planète ou encore la crise de la Zone Euro qui affecte l’activité des entreprises locales. Dans tous ces arguments, repose une seule chose – c’est que la fondation économique est devenue la base de tous les arguments qui animent les débats au niveau de la société mauricienne.

Si l’on compare nos perceptions d’aujourd’hui à ce qu’elles étaient trente ans de cela, la différence est palpable. Aujourd’hui, la fondation économique touche de près toutes les composantes de la société mauricienne alors que dans le passé, les arguments se limitaient au débat de salon, dit débat des privilégiés. Tout intervenant en dehors du cercle fermé était considéré comme néophyte, inapte à discuter des arguments comme l’offre et la demande qui se limitaient à l’intellectuel de l’économie.

Dans l’ensemble, cette société contemporaine qui maîtrise mieux les arguments économiques reste plus sensible et ouverte aux changements qui affectent son environnement. De nos jours, les décisions du gouvernement dont les arguments du Grand Argentier sont diversement critiqués par la société. Prenons, par exemple, le budget annuel qui suscite tant d’attentes et d’espoir de la société, il est correct de dire que le peuple mauricien comprend assez bien les enjeux du jour et s’accommode aux stratégies économiques formulées par le gouvernement. Auparavant, le budget national était considéré comme un gâteau qu’il fallait partager et ensuite s’attendre à des mesures peu populaires comme le temps des vaches maigres ou « serre ceinture ».

Aujourd’hui la fondation économique interpelle tous les acteurs de la société y compris ceux de la classe moyenne. La raison la plus simple qui explique cette attention liée à la matière économique est que cette société est bien plus évoluée qu’auparavant. En suivant comme bon élève à la télévision et dans les différents médias les discours du Grand Argentier et des économistes, la société est arrivée à cerner les débats sans trop de confusion. Dans le passé, il aurait été difficile d’expliquer comment une roupie forte, par exemple, pourrait bien affecter l’activité des entreprises locales vouées à l’exportation. Aujourd’hui, la société comprend mieux qu’une baisse de revenus due aux échanges peu préférentiels de l’Euro face à la roupie risque de jouer mal à l’économie. Aussi, une mesure de dévaluation pourrait également nuire à la bonne marche de l’économie.

Il a fallu alors penser que c’est l’éducation de la génération d’aujourd’hui a permis aux médias et décideurs économiques de mieux adresser leurs arguments face au peuple. Avec le temps, la société pourra elle-même voir si les arguments étaient logiques ou pas, ou encore réalistes ou trompeurs.

Les clichés du débat économique

Les clichés liés à la théorie économique se font de plus en plus visibles ces jours-ci. L’image que nous offre le secteur privé de par son « Joint Economic Council » se veut que ledit secteur favorise une roupie faible, voire des dévaluations ponctuelles, pour que les revenus restent rassurants pour eux et, bien entendu, pour l’économie. Les décideurs du secteur privé croient que le « monitoring » de la roupie, à elle seule, puisse garantir le maintien des emplois dans un secteur qui est également le plus grand pourvoyeur d’emplois dans cette économie de marché. En contrepartie, la société s’attend à la réplique gouvernementale qui est de mettre un frein à ces balbutiements en pensant qu’il est plus prudent de garder la roupie souple sans risque de dévaluation. Cette même société civile a déjà compris le risque des dévaluations de 1979 et 1981 où la roupie perdait sa valeur à 50% et contribua à mettre le pays à genoux bien que les décideurs de l’époque crurent à la parole d’évangile que l’assouplissement de la roupie sauverait l’économie dite moribonde.

La pression des médias et des forums

Ajoutons un peu de piment au sel, c’est un peu ce même débat économique que favorisent les médias. Parlons de l’expression, chassez le naturel, il revient au galop. Ainsi, une fois la clameur des législatives 2010 terminée, revoyons les décideurs du secteur privé rejoindre les couloirs de l’Hôtel du Gouvernement pour venir dire que l’économie patauge et que le pays est au bord du gouffre avec la crise de l’Euro. La société, peut être, réveillée de son sursaut, a compris l’ampleur de la crise et la tension que le débat économique puisse susciter. Ce débat-là existe dans la mémoire collective, hante la société jusqu'à la rendre indécise et parfois coupable quant à la crise financière qui secoue le monde et collatéralement l’Ile Maurice, à distance. Le gouvernement a su, dans ce cas précis, atténuer cette hantise en voulant adresser haut et fort que l’Euro c’est l’affaire des Européens et c’est à eux de se « démerder » car à Maurice, le travail se fait à l’accoutumée dans la discipline voulue. Aussi, en voulant préciser que la dévaluation n’est pas à l’ordre du jour, la société civile peut se permettre de respirer un tout petit peu, en disant que l’Etat providentiel protège l’intérêt du peuple.

Réplique et société soumise

Si ces prises de bec semblent rendre justice à la société qui subit ces arguments économiques en croyant qu’elle doit être aussi au centre du débat, on peut des fois croire, qu’elle ne reste pas tout le temps indemne. Voyons ce qui s’est passé ensuite. Un des interlocuteurs de secteur privé a trouvé qu’il était injuste de tirer directement contre le secteur privé et qu’il fallait adresser ce tir envers la crise elle-même. Soudainement, la société civile se voit griser par ces arguments qui frôlent la connotation communale. Ainsi, il est bon de souligner que certains titres de la presse ont trouvé juste de dire que le gouvernement réélu a répliqué à sa façon contre le secteur privé en voulant offrir un plateau à la société qui l’a fait élire.

Dans ces arguments qui ne cessent d’animer le débat au fil des jours et ce perpétuellement, c’est la société qui reste soumise. Les gens de la société civile sont éduqués, connaissent assez bien l’argument économique et réagissent logiquement aux répliques. Hélas, le débat penche souvent en leur défaveur. Par exemple, si le tir n’est pas rectifié, les pertes d’emploi seront grandes. Si la dévaluation ne se fait pas, les entreprises auront des caisses peu garnies et la société paiera de ces retombées.

Les syndicats et autres acteurs parleront un langage qui fera amadouer la société sans vraiment convaincre le citoyen moyen dit « common citizen ». Au milieu de tout ça, de tout ce débat, de tous ces flots d’arguments économiques, c’est la société qui paie les frais. Menace de perte d’empois, incertitude, tension et aussi un sens de culpabilité. Parfois, en utilisant la société civile comme pion ou paravent, on risque de la faire devenir un dindon de la farce et puis dire que ce peuple est admirable. Ô malheur, quand la fondation économique tire à boulets rouges contre cette même société civile dite éduquée !

Nirmal Kumar Betchoo

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