Thursday, July 8, 2010

40 ans de Socialisme, Un certain regard

40 ans de Socialisme, Un certain regard

En cette période électorale, tous les partis politiques défendront leur manifeste électoral sous le signe d’équité, de justice sociale ou encore de démocratisation de l’économie. Ces élans sont typiques d’un socialisme que tout politique veut dévoiler à son électorat dans le but de lui plaire et de lui faire ensuite confiance en terme de votes qu’il espère récolter lors des suffrages.

Le Socialisme a existé depuis fort longtemps à Maurice bien que notre génération reconnaît mieux celui de la période post-indépendance où le pays sortait de l’emprise coloniale britannique. Si l’on comptabilise cette période-là, nous sommes bel et bien au quarantième printemps du socialisme dit nouveau ou moderne.

Le véritable départ du Socialisme nouveau fut celui que les militants d’époque appelèrent « les années de braise ». Issus des milieux éduqués et donc intellectuels, ces jeunes-là furent les premiers à manifester leur idéal social envers la société après avoir témoigné Mai 68 et le printemps de Prague comme points de repère pour un monde différent. Haranguant tantôt la fin des abus de pouvoir envers les travailleurs du port et de l’industrie sucrière, tantôt protestant auprès des ambassades pour montrer leur opposition à la présence des « Yankees » au Vietnam, ces premiers balbutiements socialistes et marxistes eurent un effet surprenant au niveau de la classe moyenne et ceux au bas de l’échelle de la société.

L’idée première de ce socialisme des années 70 fut d’éliminer la disparité entre les races pour en faire une lutte des classes, donc une ouverture vers la société dans un contexte où le pays méritait un sort économique plus favorable, après avoir été laissé à son compte par les colonisateurs anglais.

Ce vent de socialisme balaya dans toute sa ferveur l’imagination de la classe moyenne pour se faire ensuite accepter par les bourgeois qui, eux, s’obstinèrent à accepter qu’ils soient responsables d’une société injuste. Ce Socialisme ambiant, d’abord vivement accepté par la classe syndicale et politicienne de gauche, devint par la suite un modèle de justice sociale que la classe moyenne prit pour acquis.

En ces temps-là, le Socialisme nouveau eut, pour projet, de dessiner une société avant-gardiste avec l’adoption de la culture mauricienne comme édifice capable d’inventer la société plurielle de demain. La vie politique du début des années 80 s’illustra de cette façon où les nouveaux gouvernants adoptèrent un style plus décontracté auprès du colonialisme qui s’estompait à vue d’œil. S’illustrant par la traduction de l’hymne national en « Kreol » puis les infos et d’autres émissions en langue mauricienne, ce Socialisme dopa nos pensées en un pays qui pourrait enfin faire gerber les semences d’un mauricianisme longtemps annoncé comme vecteur d’unité nationale.

Le Socialisme reçut son camouflet lors de la cassure gouvernementale en 1983 et laissa ses plumes au retour inattendu du capitalisme, ce modèle qui consistait à diviser le monde en deux blocs, créer des différences entre gouvernants et subordonnés ou encore laisser foisonner la richesse parmi les quelques uns les mieux lotis de la société.

Ce Capitalisme-là, toutefois, ne fut pas rejeté ni vilipendé par les Socialistes et la majorité des Mauriciens. Ayant compris qu’une orientation industrielle transformerait le pays en chantier dans les jours à venir, le système capitaliste, embaumé d’un socialisme supposément égalitaire, eut pour effet de dissuader le peuple contre la faiblesse du marxisme qui n’apportait guère grande chose aux gens au bas de l’échelle. Une situation de plein-emploi au cours du boom économique de 1986 développait alors des instincts d’économie, d’épargne pour ensuite laisser le champ libre à la consommation.

Graduellement, le monde changea de cap. La fin de la guerre froide illustrée par la chute du mur de Berlin, dit mur de la honte, et de l’éclatement des états Soviétiques, ébranla soudainement l’édifice socialiste qui se lassait pourtant perdurer. La fin du Communisme dans l’ex-Union Soviétique eut un retentissement formidable à l’échelle mondiale. Le Socialisme commença graduellement à faire les frais. De part le monde, le Capitalisme reprit sa place et même sa notoriété auprès des dirigeants et même des sceptiques. Le retour du « Labour » en Angleterre avec Tony Blair en 1995, la fin du règne socialiste France sous la cohabitation Jospin-Chirac et le rapprochement des pays de l’Europe de L’Est restent ici quelques témoignages du regain du Capitalisme vers le milieu des années 90.

Entre-temps, dans l’univers mauricien, l’idéologie Socialiste des années 70 commença à s’essouffler. Le dynamisme du marché tournant autour de l’offre et de la demande commença à mieux rétribuer la richesse aux soi-disant méritants. Le rapport du PRB, par exemple, reste une stratégie visant à rectifier le fossé amenuisé par la compensation favorable offerte à la classe moyenne aux cours des compensations ponctuelles. Tout cela a l’ambition de primer ceux qui cherchent plus de confort matériel bien entendu suivi des années d’études et de formation professionnelle. Au fait, c’est le concept de la culture d’entreprise qui favorisa le « people capitalism » où les cadres moyens s’offrirent le luxe de s’identifier comme les nouveaux riches.

En parallèle, le marketing au niveau de la consommation a fait des ravages. Du supermarché caractérisé par des caddies dans les villages allant jusqu’à l’emplacement très chic des hypermarchés jouxtant les zones urbaines, la consommation avec un goût poussé pour le luxe et la qualité, a soudainement mis au rancart cette société qui, jadis épousait le Socialisme.

L’arrivée de l’informatique a aussi joué un rôle prépondérant en minimisant la valeur de l’idéologie Socialiste. Si la Chine Communiste était vue comme l’un des derniers remparts d’un Socialisme contrôlé par l’état, les médias dont l’Internet ont, par la suite, fait de ce pays, une vitrine du commerce international dans le sens pur du mercantilisme. L’Inde qui militait pour le Socialisme sous le régime éphémère de Morarji Desai dans les années 70 est elle aussi mieux vue et appréciée de par ses grands projets fonciers et sa vitrine « bollywoodienne » qui jette des millions pour faire déferler le côté « jet-set » et très branché de l’Inde nouveau-le Shining India et ses projets d’avenir, faisant de cette démocratie, un symbole de Capitalisme nouveau qui lui permet de sortir de son sous-développement.

Alors, dirions-nous que le Socialisme est bien et bien enterré! Que l’idéologie des « seventies » avec ses jeunes délurés aux cheveux longs et bouclés colorés comme des perroquets a disparu ! Et dire aussi que ses lieutenants ou suiveurs sont devenus des ermites avec le temps, se laissant bercer, par nostalgie, par des pensées qui leur étaient chères.

Quelque part, le vent du Socialisme a soufflé. L’économie mondiale vient de trembler dans ce nouveau millénaire, donc quatrième décennie du Socialisme nouveau, sous une crise financière digne d’un tremblement qui n’a laissé aucune chance aux géants aux pieds d’argile. Initialement secouant les USA, la crise s’est échelonnée d’une façon collatérale sur les pays développés pour ensuite rallier le monde. Les gouvernants se sont soudainement trouvés face à une crise complexe à gérer où il fallait, avant tout, rassurer leurs populations que l’intervention d’Etat sur les marchés serait la seule chose la plus souhaitée par le peuple au lieu de croire en le redressement systémique des marchés.

Les « Stimulus Packages » offerts sous forme de liquidités aux entreprises a démontré que l’Etat Providence n’est pas un système morbide et que l’offre et la demande, deux poids de la balance du marché peuvent parfois monter leurs limitations. Avec six millions de chômeurs aux USA suivi de la chute des multinationales les plus performantes au cours du siècle dernier, le Socialisme refait surface sous une autre forme comme une lueur d’espoir qui fut souvent cachée derrière cet écran très opaque que fut ce Capitalisme libéral, tantôt critiqué par sa cruauté et tantôt flatté par sa capacité d’offrir la richesse aux plus méritants.

Le souffle du Socialisme du temps « margoze » et des « années de braise » ne s’entend plus. Désormais, on s’interroge sur le rôle interventionniste et paternel de l’Etat dans les pays où la situation prend du temps pour se décanter. Comme nous dit le paradigme, le socialisme s’invente au gré et à le mesure du temps. Propulsant à l’avant ses idéaux de démocratie, d’égalité et de justice sociale, il reste un système respecté même si ses limites ont été bien souvent décriées. En quatre décennies, le Socialisme pur et dur reste là un peu comme une eau qui tranquille parfois teintée de quelques clapotis, loin des braises qui peuvent le chatouiller, un peu comme le temps qui passe et laisse des souvenirs.

Nirmal Kumar BETCHOO

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